Une nouvelle méthode prometteuse pour l’analyse des enzymes à l’échelle moléculaire.

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26/02/2024

Gouttelettes microfluidiques et fluorescence

Des chercheurs du laboratoire Gulliver de l’ESPCI Paris - PSL / CNRS ont mis au point un ingénieux système afin d’étudier les enzymes. En combinant la modularité des programmes moléculaires à ADN et la microfluidique en goutte, ils ont montré la possibilité de détecter les enzymes à l’échelle de la molécule unique et proposent un nouveau cadre prometteur pour une analyse fine d’une grande variété d’enzymes. Cette technique peut avoir de multiples applications biotechnologiques et être utile à des fins de diagnostics.

Les enzymes sont des protéines jouant un rôle essentiel dans notre organisme, elles y catalysent les réactions chimiques. Elles sont aussi de plus en plus utilisées dans les processus industriels ou biotechnologiques. Afin de les étudier, l’approche usuelle consiste à observer le produit résultant de leur activité catalytique - préalablement séparé à l’aide de techniques telles que la chromatographie ou l’électrophorèse -, il s’agit la plupart du temps de mesures globales réalisées sur un ensemble de très nombreuses molécules. Ces techniques, largement répandues de nos jours, revêtent toutefois certaines limites. D’abord car leur seuil de détection de l’activité enzymatique est relativement élevé, rendant indétectables les faibles concentrations d’enzymes, ensuite car ces mesures globales masquent la spécificité et la diversité de l’activité de certaines populations d’enzymes.

Inspirés des travaux de Boris Rotman - ayant montré il y a 60 ans la possibilité de détecter l’activité catalytique d’enzymes individuelles -, les chercheurs ont conçu une nouvelle technique afin de généraliser ce mode de détection de molécules uniques pour des enzymes liées au métabolisme des acides nucléiques. Cette analyse plus sensible que les techniques traditionnelles permet d’observer finement les comportements hétérogènes de ces biocatalyseurs.

Pour ce faire, ils se sont appuyés sur les techniques de programmation moléculaire, en créant un circuit réalisant une amplification exponentielle d’un signal ADN et pouvant être couplé à diverses molécules (dans ce cas, des enzymes) prises en entrée. Ils ont nommé ce système PUMA (Programmable Ultrasensitive Molecular Amplifier). Ce système relie l’activité cible à la génération d’un brin d’ADN, puis à un système d’amplification d’ADN, qui produit enfin un fort signal fluorescent. Lorsque encapsulé dans des gouttelettes microfluidiques, le circuit peut être adapté à un format digital pour compter individuellement chaque enzyme active, permettant leur quantification absolue, ceci même pour celles ayant des réactions catalytiques très lentes.

Mieux encore, cette méthode permet d’observer en temps réel la réaction d’amplification de molécules individuelles, permettant ainsi d’accéder à la diversité catalytique d’une population d’enzymes ciblées. En soumettant un groupe d’enzymes à divers stress thermiques ou oxydatifs, les chercheurs ont par ailleurs mis en évidence que leurs activités catalytiques en étaient différemment impactées.

Cette nouvelle approche surpasse les méthodes conventionnelles en offrant une détection absolue, une analyse fonctionnelle précise à l’échelle de l’enzyme unique. Contrairement aux méthodes classiques, elle révèle la diversité de l’activité catalytique dans une population enzymatique supposément homogène, ainsi que des voies d’inactivation alternatives sous divers stress. Ces travaux proposent un cadre alternatif pour l’étude des enzymes et ouvrent de nouvelles voies pour la recherche fondamentale, la compréhension des enzymes et leur activité catalytique. Ils permettront peut-être également de mieux les détecter comme biomarqueurs de nombreux syndromes génétiques.

Publication dans Nature Nanotechnology





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