Localiser des intrus qui tentent de rester inaperçus

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07/08/2018

Le retournement temporel a révolutionné la manière dont on parvient à détecter des objets dans un champ électromagnétique. Mais seulement dans le cas des objets qui émettent eux même des ondes, comme les téléphones portables par exemple. La situation se complique lorsqu’on s’intéresse à des objets « non coopératifs ». En effet, dans une pièce les ondes électromagnétiques sont réfléchies de multiples fois entre les murs et autres objets, si bien qu’il était jusqu’à présent impossible de localiser un objet dans un tel bruit de réverbération. Des chercheurs de l’Institut Langevin (ESPCI Paris, CNRS), de l’Université de Duke et de la start-up Greenerwave (spin off de l’Institut Langevin incubée à l’ESPCI Paris) viennent de proposer un système de localisation d’objets non collaboratifs dans ces conditions de milieux complexes. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Physical Review Letters.

Plongé dans un champ d’ondes, un objet non collaboratif, c’est à dire n’émettant pas lui même d’ondes, va quand même perturber le champ d’ondes. Les chercheurs sont parvenus à utiliser les modifications des ondes diffusées par un objet pour établir une empreinte de sa position. C’est en effet la complexité de l’environnement qui assure l’unicité de la signature de l’onde diffusée par l’objet pour chacune de ses positions.
L’équipe a mis au point un dispositif expérimental fonctionnant dans la gamme des micro-ondes qui permet d’extraire suffisamment d’informations pour pouvoir démêler les empreintes de plusieurs objets non coopératifs. Par ailleurs, les chercheurs ont montré qu’en modulant aléatoirement la façon dont une partie des parois de la pièce réfléchit les micro-ondes, il est possible d’extraire les informations de localisation avec un champ d’ondes simplifié dont le contenu spectral est minimal. Le dispositif expérimental s’en trouve donc grandement allégé, et le système n’interfère pas avec d’autres réseaux sans fil.

Maintenant que la physique fondamentale du problème a bien été étudiée, la prochaine étape pour les chercheurs consiste à rendre le système plus efficace : d’abord en améliorant les mesures expérimentales pour qu’elles soient plus rapides et précises grâce à une électronique optimisée. Puis en intégrant un algorithme d’intelligence artificielle pour améliorer le traitement des données, la reconnaissance des formes et des interactions entre objets et avec l’environnement. Il deviendra ainsi possible de suivre un objet en temps réel, et d’appliquer les mesures à des systèmes dynamiques où la forme de l’objet peut évoluer (comme lorsqu’un un humain change de posture), ou dans un environnement qui évolue. A terme, le système pourrait être implémenté de manière très économique dans les « smart homes » par exemple, avec une compatibilité avec les réseaux domestiques déjà utilisés comme le Wi-Fi. Il pourrait aussi permettre de remplacer les systèmes de télésurveillance vidéos jugés trop invasifs pour la vie privée. D’autres applications sont également envisageables dans le domaine des jeux vidéo ou de la sécurité.

Contact : Philipp del Hougne (philipp.delhougne@gmail.com)

Publication associée : Phys. Rev. Lett. 121, 063901 (2018) - Precise Localization of Multiple Noncooperative Objects in a Disordered Cavity by Wave Front Shaping

DOI : https://doi.org/10.1103/PhysRevLett.121.063901





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