Les chercheurs font l’article : pour synthétiser l’acrémolide B

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04/08/2011

Janine Cossy, directrice du Laboratoire de Chimie Organique
Janine Cossy, directrice du Laboratoire de Chimie Organique. Crédits : ESPCI ParisTech

Vous avez cosigné un article paru dans Journal of Organic Chemistry (J. Org. Chem.) et intitulé "Expedient Synthesis of a Stereoisomer of Acremolide B". Quel est l’objet de cette publication et comment la recherche a-t-elle débuté ?

Janine Cossy : Cet article retrace l’ensemble des travaux menés sur la synthèse totale de l’acrémolide B ; une molécule naturelle biologiquement active récemment isolée. Pour réaliser cette opération, nous disposions de différents "outils synthétiques", des méthodes qui pour certaines ont été conçues au Laboratoire de Chimie Organique. Elles permettent de synthétiser des molécules naturelles complexes et bioactives. Pourquoi les synthétiser ? Parce qu’elles possèdent des activités biologiques et sont par conséquent susceptibles de devenir les principes actifs de futurs médicaments. En réalisant leur synthèse, nous accédons ainsi à des quantités importantes de molécules qui sont parfois rarissimes à l’état naturel.

Stellios Arseniyadis : Pour notre part, nous avons choisi l’acrémolide B car, outre ses propriétés biologiques intéressantes, sa structure n’était pas exactement déterminée. Nous nous sommes donc proposés de la synthétiser pour éprouver nos outils mais aussi pour lever le voile sur cette structure encore inconnue.

Qu’est-ce que l’acrémolide ?

L’acrémolide est une molécule cytotoxique, c’est-à-dire toxique pour les cellules. Il s’agit d’une substance dont les propriétés permettent de tuer les tumeurs cancéreuses.

Comment avez-vous procédé ?

Janine Cossy : Les chimistes partagent quelques points communs avec les photographes. Grâce à la première description de la molécule, nous disposions d’une sorte d’épreuve photographique. Dans le cas de l’acrémolide B, nous avons reconnu une chaine, un motif, une forme. Or, nous savions que certains de nos outils pouvaient nous aider à construire cette image.

Janine Cossy en 5 dates

1976 : Attachée de recherche CNRS

1979 : Thèse d’Etat sous la direction de Pr Pète (Université de Reims - France)

1980-1982 : Stage Postdoctoral chez le Pr B.M. Trost (Université de Madison, Wisconsin - USA)

1er Octobre 1990 : Directeur de recherches CNRS

2 Octobre 1990 : Professeur de Chimie Organique à l’ESPCI

Stellios Arseniyadis : Quand on se lance dans une synthèse, le but est d’obtenir une superposition exacte de la molécule synthétique avec la molécule extraite du milieu naturel. Tout doit correspondre à 100%, aussi bien les propriétés spectrales que les propriétés physiques. Un écart minime de structure nous met en présence d’un analogue, c’est-à-dire un composé proche mais non identique à la molécule naturelle.

Stellios Arseniyadis : Sans connaître sa structure exacte, nous avions néanmoins un grand nombre d’éléments qui nous permettaient de supposer et de proposer une structure potentielle. Nous avons donc relevé le défi synthétique. C’est Abdelatif ElMarrouni, étudiant en thèse, qui s’est énormément impliqué dans la synthèse de cette molécule. Avant de nous rejoindre, Abdelatif avait réalisé la synthèse de différents peptides or, l’acrémolide possède justement un motif peptidique... Nous avons donc combiné son savoir-faire avec celui du laboratoire pour atteindre la molécule cible.



Glossaire

centres stéréogènes
Un centre stéréogène est un atome sur lequel sont fixés des substituants dont la permutation génère deux stéréoisomères.
stéréoisomère
La stéréoisomérie est une notion comparative entre deux molécules, possédant la même formule développée, mais qui ont un arrangement différent dans ... > En savoir plus
peptides
Une molécule composée d’acides aminés.
analogues
Une molécule possédant une structure proche de l’originale.



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