Un cas atypique parmi les écoles d’ingénieurs

  Version imprimable de cet article RSS
06/01/2017

Entretien croisé avec Marie-Christine Lemardeley, présidente de l’ESPCI Paris, et Jean-François Joanny, directeur de l’ESPCI

L’ESPCI est un cas atypique dans le paysage des écoles d’ingénieurs françaises…

JFJ : En effet, et pour plusieurs raisons. Son modèle est en soi une exception : l’école a fondé son enseignement et sa recherche sur l’interdisciplinarité. Beaucoup des chercheurs de nos laboratoires ne se posent plus la question de savoir s’ils sont physiciens, chimistes ou biologistes. L’enseignement lui-même se fait par la recherche : tous nos enseignants sont également chercheurs, et 70 % de nos élèves poursuivent par une thèse après la 3e année.
MCL : Par ailleurs, l’ESPCI est profondément enracinée au cœur de Paris. La montagne Sainte-Geneviève, en plein centre de la capitale, est historiquement très liée à la recherche française : la rue d’Ulm, l’Institut Curie…
JFJ : Une histoire dont l’école est partie prenante, avec six prix Nobel, dont Pierre et Marie Curie et plus proche de nous Pierre-Gilles de Gennes. Attirer les meilleurs élèves et former des profils uniques reste notre priorité. Nous continuons à améliorer notre pédagogie éducative tout en développant la créativité et la culture d’innovation de nos élèves. Nous voulons renforcer la position de l’École comme centre de recherche de niveau mondial en physique, chimie et biologie. Le but est aussi d’attirer les meilleurs chercheurs, qu’ils soient français ou étrangers, et de développer de nouveaux champs de recherche. Et naturellement, nous continuons à innover dans les champs de recherche porteurs, comme la microfluidique, la physique des ondes pour la médecine…
MCL : La notoriété et la visibilité de l’école à l’international font aussi partie de nos priorités : nous allons continuer à valoriser les recherches et le corps enseignant, notamment grâce à Paris Sciences et Lettres et ParisTech. Nos accords de partenariats, doubles diplômes et alliances avec de grandes universités vont poursuivre leur développement, en particulier avec le Brésil, la Chine, l’Amérique du Nord, Israël…

L’école revendique une approche originale de l’enseignement et de la recherche scientifique : quelle est-elle ?

JFJ : Notre ambition est de former des ingénieurs susceptibles de répondre aux besoins d’une société en perpétuelle évolution. S’il fallait définir en un mot la vision de l’école, ce serait « décloisonnement ». Entre les disciplines scientifiques, physique, chimie et biologie dialoguant en permanence. Entre l’enseignement et la recherche, l’ESPCI étant couplée à un centre de recherche. Entre le monde scientifique et le monde économique : dans nos murs se côtoient en permanence laboratoires, start-up et industriels. Et enfin entre recherches fondamentale et appliquée, qui s’influencent et se répondent l’une l’autre.
MCL : L’établissement a cette chance d’être à taille humaine, et pas seulement en termes d’espace. Élèves, doctorants, enseignants-chercheurs, chercheurs, entrepreneurs… interagissent en permanence, discutent, partagent leurs problématiques et cherchent des solutions. C’est un positionnement qui permet d’aborder les problèmes de manière singulière et d’investir rapidement les champs d’innovation.

Quelle est la spécificité du « modèle ESPCI » ?

JFJ : Nous recrutons au meilleur niveau parmi diverses filières. Notre pédagogie originale repose sur la formation par la recherche, l’excellence scientifique et une place centrale accordée à l’approche expérimentale. Nos élèves passent plus de la moitié de leur temps en travaux pratiques. Cette approche permet de former des profils uniques : des ingénieurs et des chercheurs passionnés, créatifs, capables d’aborder les problèmes de façon différente, avec un solide bagage théorique mais également en prise avec les enjeux de la société.
MCL : L’école transmet en outre une profonde culture de l’innovation, et son incubateur héberge plus d’une douzaine de start-up fondées par des étudiants de l’ESPCI ou issues des laboratoires de l’école.

Quelles sont les valeurs revendiquées par l’école ?

JFJ : Nous en comptons quatre : l’excellence scientifique, l’ouverture au monde – académique ou économique –, la liberté d’inventer et la créativité. Nos chercheurs sont laissés libres de déterminer leurs propres sujets de recherche, l’école est là pour les accompagner et leur donner les moyens nécessaires de la mener à bien.

Qu’apporte la Ville de Paris à l’ESPCI ?

MCL : L’ESPCI Paris jouit d’une liberté d’action, qu’elle doit en partie à sa tutelle municipale, la Ville de Paris, qui lui permet de disposer des moyens nécessaires à l’excellence de son enseignement et de sa recherche. Nous nous plaçons également dans la dynamique PSL, dont l’objectif est d’assurer le rayonnement de Paris et de ses universités, tous sujets confondus. C’est cette liberté, associée à un modèle agile et flexible, qui permet à l’ESPCI Paris d’être aussi résolument orientée vers la recherche et la création de start-up. L’ESPCI compte bien être le fer de lance en matière d’école d’ingénieurs et de centre de recherche pour la ville de Paris.

La modernisation du campus s’inscrit dans cette logique ?

JFJ : En effet. Elle commencera en 2017 et devrait finir vers 2020. Ce projet va d’ailleurs au-delà d’une « simple » modernisation. Notre tutelle fait un effort sans précédent de 176 millions d’euros pour permettre à l’école d’avoir un centre de recherche à la hauteur de ses ambitions.

crédits photos : accueil droite : ©Benjamin Boccas gauche et article : © W. Parra





ÉCOLE SUPÉRIEURE DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE INDUSTRIELLES DE LA VILLE DE PARIS
10 Rue Vauquelin, 75005 Paris