Des moteurs biologiques microscopiques à l’aide de bactéries magnétotactiques

 
08/11/2019

Depuis les années 70, la science s’intéresse aux bactéries magnétotactiques, ces bactéries microscopiques qui se déplacent et s’alignent selon les lignes de champ magnétique grâce à des particules de magnétite présentes dans leur corps. Comment utiliser cette propriété pour induire un comportement collectif et créer une sorte de moteur microscopique ? C’est le travail réalisé par une équipe de chercheurs du laboratoire PMMH (ESPCI Paris –PSL, Sorbonne Université, CNRS) en lien avec des chercheurs du laboratoire FAST à Orsay et de l’Université du Chili. Dans leur étude, publiée dans la revue Nature Communications, ils sont parvenus à créer des vortex réversibles dans des gouttes remplies de bactéries, soumises à un champ magnétique.

Qu’il s’agisse des protéines à l’intérieur des cellules, ou des mouvements à grande échelle (vols d’oiseaux, bancs de poissons…), les concepts physiques qui régissent les phénomènes d’auto-organisation sont encore mystérieux. Pourtant, dans le cadre des bactéries magnétotactiques, les chercheurs savent que leur comportement est lié à la présence de magnétite, qui leur permet de s’aligner sur les lignes de champ magnétique, et par exemple de se déplacer selon ces lignes pour trouver de la nourriture. Est-il alors possible d’envisager créer une suspension de ces bactéries, dont on pourrait contrôler les propriétés d’écoulement ?

Pour étudier ce phénomène, les scientifiques du laboratoire PMMH et leurs collègues ont étudié un dispositif de gouttelettes d’eau renfermant une grande quantité de bactéries, et déposées sur un bain d‘huile. En appliquant ensuite un champ magnétique à l’ensemble, l’équipe a observé la création d’un vortex au sein des gouttes : les bactéries se mettent à se déplacer à l’intérieur de la goutte en trajectoire circulaire, allant même jusqu’à créer un couple moteur qui met en mouvement l’huile à l’extérieur de la goutte. L’équipe a alors joué sur les paramètres de l’expérience, montrant qu’il était possible d’inverser le sens de rotation des bactéries en inversant le champ magnétique, ou en modifiant la vitesse de rotation des bactéries en faisant varier l’intensité du champ.

Au final, l’approche physique utilisée, qui allie hydrodynamique et échelles temporelles, a permis de mieux comprendre le phénomène, qui permet de créer des écoulements microscopiques contrôlés, ce qui en général est loin d’être évident avec des systèmes vivants aussi petits.

De son côté Benoit Vincenti, doctorant au PMMH et premier auteur de l’étude se réjouit : « nous ne comprenons pas encore tous les mécanismes physiques conduisant à ce mouvement collectif, mais sa complexité attirera sans doute la curiosité. En tout cas, c’est un exemple original de matière active contrôlable, c’est-à-dire capable d’effectuer une tâche (créer un écoulement ici) à la demande et de manière non intrusive grâce au champ magnétique. Les applications dans ce domaine sont légions ! »

Publication associée :
B. Vincenti et al., Magnetotactic bacteria in a droplet self-assemble into a rotary
motor, Nature Communication, 2019

DOI :10.1038/s41467-019-13031-6

Contacts :
benoit.pa.vincenti@gmail.com
eric.clement@espci.fr

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