Comment les bactéries nagent à contre courant

 
31/07/2019

C’est bien connu des scientifiques : les bactéries sont capables de nager à contre courant, et cette capacité peut causer de nombreuses complications, quand elles se propagent à travers des canalisations ou des cathéters médicaux par exemple. Afin d’empêcher ou au moins de ralentir la contamination bactérienne il est important de comprendre comment les bactéries parviennent à remonter un flux. Une collaboration international incluant l’équipe d’Anke Lindner et Eric Clément au laboratoire PMMH de l’ESPCI Paris – Université PSL vient de parvenir à une réponse, à l’aide d’expériences couplées à des simulations numériques et des modélisations mathématiques. Les résultats décrivent tous les aspects essentiels de cet incroyable mouvement bactérien, et viennent d’être publiés dans Nature Communications. Ils devraient aider à développer des dispositifs médicaux capables d’empêcher les bactéries de remonter les flux de liquide.

Entre physique et biologie

Plusieurs familles de bactéries comme E. coli représentant un risque pour la santé se déplacent à l’aide de flagelles hélicoïdaux, un mouvement très éloigné de celui du poisson. Les poissons sentent la direction du courant, et peuvent décider de nager dans une direction spécifique, alors que les bactéries sont des organismes plus simples, leur comportement peut être expliqué par des lois physiques basiques.

Les bactéries s’accumulent souvent sur des surfaces couvertes de liquides, par exemple une cabine de douche, une canalisation d’eau usée, ou même un cathéter. Il s’avère que les bactéries arrivent à se déplacer à contre courant sur de telles surfaces. Loin d’être emportées par les flux de liquides, elles remontent. Avec des collègues de l’Université de Stanford et de TU Wien le groupe d’Anke Lindner et Eric Clément a tenté de trouver une explication physique à ce phénomène.


Oscillations de bactéries E.-coli fluorescentes sous écoulement proche d’une surface

Théorie et expérience

Afin de suivre la réponse de bactéries prises dans un courant, les chercheurs du PMMH ont suivi E. coli dans des canaux microfluidiques de quelques centaines de microns de section, environ l’épaisseur d’un cheveux. Ils ont ensuite intensifié le flux à travers les canaux, afin d’observer l’effet produit sur la dynamique des bactéries.
La même équipe avait récemment développé des méthodes d’observation puissantes et un système 3D automatique permettant de suivre les bactéries sur des trajectoires de nage ascendante.
Grace à des méthodes d’observation de fluorescence, les chercheurs parviennent à observer non seulement le corps mais aussi les flagelles des bactéries (pour une longueur totale de 10 microns). De plus, ces observations ont révélé un mouvement d’oscillation des bactéries.
« C’est fascinant de voir comment on peut observer avec une telle précision la dynamique de bactéries qui ne font pas plus de 10 micromètres de long » s’enthousiasme Anke Lindner.
Ces observations expérimentales ont par ailleurs révélé un comportement dépendant du flux appliqué dans les canaux. Dans des courants faibles, les bactéries tournent simplement en cercle, et à un certain point elles commencent à se déplacer à contre courant. Dans des courants plus forts, elles oscillent d’avant en arrière sur la surface, ou se séparent en deux groupes qui se déplacent dans des directions différentes.


Différentes types de trajectoires de bactéries E.-coli sous écoulement proche d’une surface. Le flux devient de plus en plus important de gauche à droite.

Les équipes de TU Wien et de Stanford ont utilisé des méthodes mathématiques pour calculer l’alignement et le mouvement de rotation des bactéries dans un liquide en écoulement. Elles ont analysé la manière dont le flux interagit avec le mouvement des flagelles, et avec le mouvement des bactéries qui en découle. Avec une seule formule mathématique, l’ensemble des modèles de mouvements de bactéries a pu être expliqué.
« L’accord entre expériences et simulations s’avère extrêmement bon, ce qui confirme la puissance de laformule mathématique développée » se réjouit Anke Lindner.
Par ailleurs, les résultats s’avèrent particulièrement fiables, et peu dépendant du choix des paramètres du modèle et pouvant s’appliquer à différents types de bactéries.
L’équipe espère que cette nouvelle connaissance leur permettra de mettre au point des méthodes permettant d’empêcher les bactéries de remonter un écoulement. « Dans le futur, il devrait être possible de créer des cathéters dont la structure de surface empêchera les bactéries de remonter le tube, et préviendra donc des infections graves  » confie Anke Lindner.

Publication associée

Oscillatory surface rheotaxis of swimming E. coli bacteria, Nature Communications, 2019.

http://dx.doi.org/10.1038/s41467-019-11360-0

Contact Chercheur

Anke Lindner : anke.lindner@espci.psl.eu

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