Contrôler la propagation des vagues en vibrant un bain verticalement

 
18/04/2019

Peut-on s’inspirer de l’optique pour contrôler les vagues à la surface d’un liquide ? Des chercheurs de l’Institut Langevin (ESPCI Paris/CNRS) et du laboratoire PMMH (ESPCI Paris/CNRS) viennent de montrer qu’une instabilité hydrodynamique, découverte par M. Faraday en 1831, permet de réaliser des miroirs dits « à conjugaison de phase » aux propriétés étonnantes pour les vagues. Ces travaux sont publiés cette semaine dans la revue PNAS. Ils ouvrent des perspectives pour le contrôle et la manipulation d’ondes de surface.

Figure 1 : Instabilité de Faraday. Des ondes stationnaires apparaissent à la surface d’un bain lorsque celui-ci est excité verticalement de façon périodique au-delà d’un certain seuil.

Lorsque l’on excite verticalement et de façon périodique un liquide, on observe, au-delà d’une certaine amplitude d’excitation, l’apparition d’ondes stationnaires à la surface du bain (voir Figure 1). Cette instabilité de Faraday résulte de la modulation de la gravité effective. Elle représente un cas classique d’une instabilité paramétrique et a été abondamment étudiée comme telle. Ces travaux de recherche revisitent cette instabilité en montrant qu’elle permet le contrôle et la manipulation des ondes qui se propagent à la surface du bain. Elle agit comme un miroir dit à conjugaison de phase. Ce type de miroir, connu dans le domaine des ondes optiques et sonores, se différentie d’un miroir standard par le fait qu’il réfléchit les ondes qu’il reçoit dans la même direction mais en sens opposé, et ceci quelle que soit la direction des ondes incidentes.
Dans le cas des ondes à la surface du bain il est possible de créer de tels miroirs à façon en changeant simplement la profondeur du bain. Ainsi, les zones « profondes » agissent comme des miroirs à conjugaison de phase en réfléchissant toutes les ondes produites dans les zones à faible profondeur leur parvenant.

Si une source ponctuelle émet une onde vers le miroir à conjugaison de phase, celui-ci renvoie l’onde vers la source. Les ondes réfléchies par ce type de miroirs « revivent leur vie passée » et en quelque sorte remontent le temps jusqu’à se refocaliser sur la source (voir Film 1).

Film 1 : Réflexion d’une source ponctuelle par un miroir à conjugaison de phase. Dans un premier temps la source, constituée d’un souffleur, émet un train d’ondes circulaire qui se propage dans le bain. Ces ondes pénètrent dans le miroir à conjugaison de phase correspondant à la zone plus profonde située dans la partie droite. L’oscillation verticale du bain induit l’apparition d’ondes stationnaires qui vont se refocaliser au niveau de la source même après l’arrêt de l’émission.

Une propriété également très surprenante de ce type de miroirs est que, contrairement aux miroirs classiques, leur action sur les ondes est complètement indépendante de leur forme. Avec les vagues à la surface du bain, cette propriété a été mise en évidence à l’aide d’un miroir en forme de « France ». Ainsi, quel que soit l’endroit où l’on excite le bain, à Paris ou à Lyon, les ondes réfléchies vont se refocaliser précisément à cette position (voir Film 2).

Film 2 : Refocalisation quelle que soit la position de la source ponctuelle par un miroir à conjugaison de phase en forme de « France ». Dans cette expérience la « France » est entourée d’un miroir à conjugaison de phase obtenu par une zone de profondeur plus importante et une excitation verticale du bain. Quel que soit l’endroit où l’on excite le bain, par exemple Paris (à gauche) ou Lyon (à droite), les ondes viennent s’y refocaliser. L’action de ce type de miroir est indépendante de leur forme.

Ces miroirs trouvent de nombreuses applications notamment dans l’imagerie et le contrôle des ondes en milieux diffusants. En effet, après passage dans de tels milieux, les ondes sont distordues ce qui rend impossible la localisation d’une source ou la refocalisation des ondes avec un miroir standard. Par contre, un miroir à conjugaison de phase qui réalise une rétro-propagation des ondes suivant le chemin inverse permet d’annuler les distorsions subies lors d’un premier passage et de refocaliser les ondes sur la source. Les prochains travaux vont tenter de montrer cette propriété avec des vagues.

Référence

« Phase-conjugate mirror for water waves driven by the Faraday instability »
par Vincent Bacot, Guillaume Durey, Antonin Eddi, Mathias Fink et Emmanuel Fort, PNAS,2019

https://doi.org/10.1073/pnas.1818742116

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