Soigner les troubles neurologiques grâce aux ultrasons

 
16/04/2019

Lorsque les médicaments ne sont pas efficaces, la modulation de l’activité nerveuse est l’une des méthodes les plus probantes pour le traitement des maladies neurologiques. Alors que les techniques existantes restent invasives ou peu précises, des chercheurs du laboratoire Physique pour la Médecine Paris (Inserm, ESPCI Paris, CNRS, Université PSL), en collaboration avec des équipes de l’Université d’Oxford et de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière (Inserm, CNRS), proposent une alternative totalement non invasive, grâce aux ultrasons. Ils démontrent l’intérêt d’utiliser des ultrasons à travers la boîte crânienne pour moduler l’activité nerveuse dans une trilogie d’articles récemment publiés dans de prestigieuses revues en neurosciences (Elife, Neuron, et Nature Neurosciences).


La neuromodulation (modulation de l’activité nerveuse) est un outil majeur en neurosciences et en médecine pour le traitement de maladies neurologiques comme la maladie de Parkinson, les tremblements essentiels ou les dépressions résistantes aux médicaments. La méthode la plus courante, bien que très invasive, est l’implantation d’une électrode qui vient stimuler électriquement une zone cible généralement située en profondeur dans le cerveau. Des alternatives non-invasives ont été proposées en utilisant des bobines magnétiques externes (stimulation magnétique transcrânienne) ou des électrodes externes (stimulation électrique transcrânienne). Ces deux dernières techniques sont cependant limitées au traitement de zones superficielles du cerveau et avec une faible résolution spatiale.

Dans ce contexte, les ultrasons constituent une solution de choix : les ultrasons focalisés ont le potentiel unique de pouvoir réaliser la neuromodulation de zones cérébrales aussi bien superficielles que profondes, avec une résolution millimétrique et de manière totalement non-invasive. Les équipes de l’Université d’Oxford, du laboratoire Physique pour la Médecine Paris, et de l’Institut du Cerveau et de la Moelle Epinière ont obtenu plusieurs résultats clés démontrant la faisabilité d’une neuromodulation par ultrasons focalisés transcrâniens.

Dans un premier temps, grâce à des stimulations ultrasonores répétées pendant 40 secondes (rTUS : repetitive transcranial ultrasonic stimulation), les chercheurs ont observé par imagerie par résonance magnétique (IRM) une modification de l’activité cérébrale chez le primate (Verhagen et al, Elife, Février 2019). L’activité restait modifiée jusqu’à plusieurs heures après la stimulation ultrasonore.

De plus, ces mêmes équipes ont démontré que cette modification de l’activité pouvait être induite non seulement dans les couches superficielles du cerveau mais également dans des zones profondes (Folloni et al, Neuron, Mars 2019), ce qui étend l’utilisation potentielle de la technique à tout le cerveau.
Ils ont enfin franchi une étape supplémentaire en modifiant de façon prolongée la capacité de prise de décision sur des singes entrainés à faire des tâches complexes (Fouragnan et al, Nature Neuroscience, Avril 2019). Plus précisément, les ultrasons ciblés dans le cortex cingulaire perturbaient les animaux dans leur capacité à faire des choix contre-factuels, c’est-à-dire basés non pas sur un fait, mais sur une situation hypothétique. Laissez-vous imaginer ce que vous pourriez faire si vous gagniez au loto : vous êtes en train de faire des choix contre-factuels entre plusieurs utilisations possibles d’un argent que vous ne possédez pas encore.

Ces modifications prolongées de l’activité cérébrale de façon complètement non invasive ouvrent de nouvelles possibilités pour la prise en charge des troubles neurologiques. Bien que cette perturbation inoffensive soit temporaire et disparaisse quelques heures après la stimulation, elle permettrait à long terme de faciliter la plasticité cérébrale, cette capacité qu’a le cerveau à remodeler ses connexions en fonction de l’environnement et des expériences vécues par l’individu, ou en réaction à une maladie.

Publications associées

Verhagen L, Gallea C, Folloni D, Constans C, Jensen DEA, Ahnine H, Roumazeilles L, Santin M, Ahmed B, Lehericy S, Klein-Flügge MC, Krug K, Mars RB, Rushworth MFS, Pouget P, Aubry JF, Sallet J. Offline impact of transcranial focused ultrasound on cortical activation in primates. Elife (2019) 8:e40541. https://doi.org/10.7554/eLife.40541

Folloni D, Verhagen L, Mars RB, Fouragnan E, Constans C, Aubry JF, Rushworth MFS, Sallet J. Manipulation of Subcortical and Deep Cortical Activity in the Primate Brain Using Transcranial Focused Ultrasound Stimulation. Neuron (2019)
https://doi.org/10.1016/j.neuron.2019.01.019

Fouragnan E, Chau BKH, Folloni D, Kolling N, Verhagen L, Klein-Függe M, Tankelevitch L, Papageorgiou GK, Aubry JF, Sallet J, Rushworth MFS. The macaque anterior cingulate cortex translates counterfactual choice value into actual behavioral change. Nature Neuroscience (2019) https://doi.org/10.1038/s41593-019-0375-6

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