Attaque frontale chez les serpents aquatiques : une forme de tête cruciale

 
28/02/2019

Comment modéliser l’attaque frontale de serpents aquatiques ? La mobilité sous l’eau est contrainte par deux effets : la masse ajoutée et la traînée. Pourtant certains serpents aquatiques capturent leurs proies grâce à une accélération rapide vers l’avant en gardant la bouche ouverte. Des chercheurs de l’ESPCI Paris et du Muséum National d’Histoire Naturelle se sont intéressés à l’hydrodynamique associée à cet objet mouvant dans l’eau et en particulier au lien entre sa forme et les forces qui s’appliquent sur la tête du serpent. Leurs travaux viennent d’être publiés dans la revue Bioinspiration & Biomimetics.

© Marion Segall Sous l'eau, le serpent peut projeter sa tête en avant pour capturer une proie.

Le déplacement dans l’eau implique de lutter contre des forces de viscosité et d’inertie, qui dépendent de la cinématique du mouvement mais aussi de la forme de l’objet qui se déplace. Pour les animaux aquatiques, ces facteurs se traduisent notamment par un coefficient de friction assez bas entre la peau de l’animal et l’eau dans laquelle il évolue. Pour les prédateurs, un autre facteur entre en jeu : l’accélération de l’animal lors de l’attaque. Celle-ci implique de déplacer à la fois le corps de l’animal, mais aussi une masse additionnelle d’eau environnante ce qui génère une force opposée au mouvement.
Cette force dépend en partie de la taille et de la forme du corps de l’animal.

En s’appuyant sur la forme de la tête de plusieurs serpents aquatiques et non aquatiques, les chercheurs ont pu créer des modèles 3D pour chaque catégorie, et mettre au point un dispositif permettant d’étudier les forces qui s’appliquent sur la tête de l’animal lors d’une phase d’accélération dans l’eau. Au final l’équipe a montré que la forme de la tête des serpents aquatiques était bien plus adaptée à des attaques frontales rapides sous l’eau que celle des serpents non aquatiques, avec un coefficient de traînée deux fois plus faible. Par ailleurs, cette forme semble coïncider avec une plus faible bulle de recirculation de l’eau derrière la mâchoire de l’animal lors du déplacement rapide.

Si ici les chercheurs se sont principalement intéressés aux effets de la forme globale de la tête du serpent (mâchoire ouverte), d’autres facteurs peuvent entrer en ligne de compte, comme l’angle d’ouverture de la mâchoire de l’animal, ou encore la texturation macro et microscopique de la peau du serpent. Ces propriétés suscitent l’intérêt des ingénieurs qui tentent de mettre au point des robots inspirés de la morphologie et de la locomotion des serpents. La forme de la tête du robot est alors un élément crucial s’il doit effectuer des manœuvres transitoires rapides sous l’eau.

Publication associée :

Marion Segall et al., Hydrodynamics of frontal striking in aquatic snakes : drag, added mass, and the possible consequences for prey capture success, Bioinspir. Biomim. 14 (2019) 036005

DOI : https://doi.org/10.1088/1748-3190/ab0316

Contact chercheur : marion.segall@live.fr ( actuellement post-doctorante à l’American Museum of Natural History)

équipe : https://www.pmmh.espci.fr/Biomimetics-and-Fluid-Structure-Interaction

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