JF Joanny honoré par l’Académie des Sciences

 
21/11/2017

Et si la physique pouvait révolutionner l’étude du cancer ? Le prix Ampère récompense aujourd’hui le physicien Jean-François Joanny, pour ses travaux sur le fonctionnement des cellules et des tissus biologiques. Il apporte un éclairage inédit pour faire progresser les connaissances au service de la recherche biomédicale, avec des perspectives prometteuses en cancérologie.

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Jean-François Joanny n’est pas seulement le directeur général de l’ESPCI Paris. C’est aussi – et surtout – un chercheur de premier plan qui a consacré les 25 premières années de sa carrière à la physique de la matière molle. Cette science est dédiée aux matériaux qui ne sont ni vraiment solides, ni vraiment liquides, comme les caoutchoucs, les gels, les cristaux liquides, ou encore certains polymères visqueux et élastiques. Parce qu’ils sont en état de déséquilibre permanent et sensibles à la moindre perturbation mécanique ou thermique, leur physique est singulière.
De cette matière « mouvante » à la matière vivante, il n’y a qu’un pas, que le physicien franchit en 2003, en prenant la direction de l’unité Physico-chimie de l’Institut Curie. Cette fonction, qu’il occupera jusque fin 2012, déterminera le nouveau fil rouge de ses activités de recherche : transposer les concepts de la physique théorique de la matière molle à la biologie de la cellule.

AU CROISEMENT DE LA PHYSIQUE ET DE LA BIOLOGIE

Aujourd’hui, au sein de l’équipe « Approches physiques de problématiques biologiques », toujours à l’Institut Curie, il propose des façons inédites de décrire les mécanismes cellulaires pour mieux les comprendre, en y appliquant son oeil et ses équations de physicien.
Il investit la biophysique de la cellule, en étudiant les filaments qui la composent : à l’instar des polymères, ceux-ci obéissent à des lois physiques et apportent à la cellule une certaine élasticité. « Certains filaments, les microtubules, peuvent être comparés à des rails sur lesquels progressent des protéines, véritables moteurs moléculaires qui assurent le transport intracellulaire et créent des forces mécaniques dans la cellule », explique Jean-François Joanny. Par exemple, il décrit la manière dont une cellule se sépare en deux au cours de la cytocynèse pendant la division cellulaire, à cause de la contraction d’un anneau d’actine. Les applications phares de cette approche ? La biologie du développement et la biologie du cancer, domaines où la division des cellules joue un rôle primordial.

DES CELLULES MOBILES COMME DES BANCS DE POISSON

L’étude des mécanismes physiques de la division cellulaire amène logiquement à travailler sur la dynamique de croissance des tissus, donc des tumeurs. Par exemple, « la tension interfaciale entre un tissu sain et un tissu cancéreux a été définie par analogie avec celle qui existe entre deux fluides, et nous avons caractérisé les conditions qui poussent le tissu cancéreux à gagner du terrain ». Autre exemple, l’analyse de la capacité des cellules à effectuer des mouvements (la motilité) permet de modéliser la façon dont elles se déplacent dans un organisme.
« Il s’avère que ce comportement collectif obéit sensiblement aux mêmes lois que les bancs de poissons ou les vols d’étourneaux », indique le chercheur.

De là, le modèle peut être appliqué au cas des cellules cancéreuses qui migrent et créent des métastases dans un tissu hôte. « Mais, attention, tient-il à préciser, nous n’en sommes pas au stade de la mise au point de nouveaux médicaments, cela reste de la recherche fondamentale ».

GOMMER LES FRONTIÈRES ENTRE LES DISCIPLINES, COMME À L’ESPCI PARIS

« L’Institut Curie est très ouvert au dialogue avec les physiciens, ils ont compris ce que nous pouvons apporter à la biologie, et particulièrement à la biologie du cancer », explique Jean- François Joanny. D’après lui, les frontières entre physique, chimie et biologie n’ont plus lieu d’être aujourd’hui : « une approche interdisciplinaire apporte un oeil neuf sur des recherches parfois stagnantes. C’est exactement ce modèle décloisonné qui est appliqué à l’ESPCI Paris depuis ces vingt dernières années. »

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