Promouvoir l’inter-disciplinarité

 
15/02/2017

Entretien avec Véronique Bellosta, directrice de l’enseignement


En quoi l’enseignement à l’ESPCI diffère-t-il des autres écoles d’ingénieurs ?

Une première spécificité de l’ESPCI est de promouvoir l’interdisciplinarité. Nos étudiants acquièrent une solide formation en physique, chimie et biologie ce qui leur offre des possibilités d’orientation aussi larges que possible, non seulement dans ces trois domaines mais aussi aux interfaces. En apprenant les modes de raisonnement des physiciens, des biologistes et des chimistes, qui sont très différents, ils peuvent aborder par exemple un problème de physique avec le regard d’un chimiste ou bien d’un biologiste et développer ainsi une forte capacité d’innovation. Une deuxième spécificité réside dans le fait que le cursus à l’ESPCI se déroule en quatre ans : trois années pour avoir le diplôme d’ingénieur, suivies d’une année supplémentaire pour obtenir le diplôme de fin d’études de l’ESPCI. Le choix est large pour la quatrième année, passée en France ou à l’étranger : les étudiants font généralement un double diplôme ou, pour la majorité d’entre eux, un master de recherche, ce qui a du sens puisque 60 à 70 % de nos élèves enchaînent avec une thèse.

Comment l’école génère-t-elle une telle implication dans la recherche ?

Une troisième spécificité de l’ESPCI consiste en une pédagogie fortement basée sur l’apprentissage par la recherche et par l’expérience, avec 50 % du temps d’enseignement en Travaux Pratiques dans les laboratoires de l’école pendant les deux premières années de tronc commun, interdisciplinaires. La proportion augmente encore en troisième année, année durant laquelle les étudiants effectuent un stage industriel de quatre à six mois en France ou à l’étranger ainsi qu’un projet de recherche académique d’au moins huit semaines qui peut être réalisé dans l’un des laboratoires de l’ESPCI ou d’une institution de PSL ou encore à l’étranger. Tous les enseignants à l’ESPCI sont des enseignants-chercheurs ou des chercheurs : les séances de Travaux Pratiques ou de Tutorats sont une bonne occasion pour eux d’échanger avec les élèves sur leurs travaux de recherche et de leur communiquer leur passion.

Quelles sont les dernières évolutions de l’école en termes de formules d’enseignement ?

Introduits en 2013, les « projets scientifiques en équipe » (PSE) ont depuis pris un bel essor. Répartis en trinômes, les étudiants choisissent un projet sur un thème allant de la physique à la biologie et le mènent de bout en bout, sur le dernier trimestre de première année et les deux premiers trimestres de deuxième année. Très formateur, ce concept plaît beaucoup aux élèves ; ils se retrouvent confrontés à de véritables problèmes de recherche pour lesquels ils doivent trouver des solutions par eux-mêmes. Depuis cette année, ils présentent le résultat de leurs PSE sous la forme de courtes vidéos qui leur permettront de communiquer vers l’extérieur, d’illustrer leurs CV…

Nous tenons beaucoup à une forme d’enseignement assez spécifique à l’ESPCI, appelée « préceptorats ou tutorats », introduite il y a déjà un certain nombre d’années par Pierre-Gilles de Gennes et qui permet aux étudiants de participer activement à leur apprentissage. Par petits groupes de 5 ou 6, les étudiants réfléchissent sur un sujet basé sur des travaux de recherches récents, proposé à l’avance par un enseignant-chercheur ou un chercheur. Ils rendent un travail écrit avant une séance de correction-discussion. Nous testons actuellement une nouvelle forme d’enseignement que nous appelons « super TD » et qui consiste en des travaux dirigés en groupes plus restreints avec possibilité d’un rendu de copie avant la séance. Nous avons également des projets de « classes inversées » pour remplacer certains cours magistraux : en peu comme pour les préceptorats, les étudiants arriveraient en cours en ayant déjà travaillé le sujet, et la séance deviendrait donc une sorte d’échange avec l’enseignant. Ce sont des perspectives intéressantes, mais pour les développer il est nécessaire de libérer du temps pour les étudiants. Or nos emplois du temps sont déjà extrêmement denses. Nous devons trouver un moyen de les alléger tout en conservant notre degré d’exigence, l’interdisciplinarité et sans toucher à la part de travail expérimental qui fait notre force.

Cette formation leur apprend également à travailler en équipe.

C’est un des objectifs essentiels de l’enseignement de l’ESPCI. La quantité d’informations à absorber et de compétences à maîtriser est considérable, et un étudiant qui tenterait de tout faire seul s’épuiserait. Il est nécessaire de travailler ensemble, et tout est pensé en ce sens (Travaux pratiques, préceptorats, PSE). L’école est à taille humaine, tout le monde se connaît et il y règne une bonne ambiance et une véritable entraide. L’an dernier, une étudiante venue de l’université a connu de réelles difficultés au premier trimestre, mais a décollé au deuxième, grâce au soutien et à l’accompagnement de ses camarades. Nous faisons tout pour détecter les élèves en difficulté le plus tôt possible et les aider tant au niveau de la Direction des études que des enseignants qui sont quasiment tous présents sur le site de l’Ecole en permanence. Je tiens à souligner qu’à l’ESPCI, l’entraide entre les étudiants n’est pas un vain mot. Nous pouvons le vérifier régulièrement : les meilleurs aident réellement ceux qui ont plus de difficultés.

Les étudiants sont également très impliqués dans l’organisation de leur cursus.

Le programme des deux premières années est actuellement le même pour tous les étudiants. Nous réfléchissons à la possibilité d’introduire un certain degré d’individualisation au cours de ces deux premières années, tout en préservant un tronc commun fort avec des cours fondamentaux en physique, en chimie, en biologie. En troisième année, les étudiants choisissent librement leur filière – Physique, Physico-chimie, Chimie ou Biotechnologies – et sélectionnent des options. Tels que les emplois du temps de troisième année avaient été conçus au départ, certaines options n’étaient pas accessibles à toutes les filières : à la demande et avec l’aide soutenue des étudiants, nous avons travaillé pour aménager les emplois du temps afin de rendre un maximum d’options accessibles à tous. Les étudiants savent que la direction de l’école est là pour les aider. Notre objectif est que chacun trouve sa voie et puisse s’épanouir dans ce qu’il fait et se préparer au mieux pour ses objectifs futurs, et ils en sont conscients. Ils sont donc très moteurs dès qu’il s’agit de faire un retour sur tel ou tel enseignement, de proposer des modifications ou l’établissement de nouveaux partenariats … Même si la demande vient d’un seul étudiant, du moment qu’elle est motivée et argumentée, nous allons essayer de trouver une solution.

Y a t-il des exemples de circulation des étudiants entre les différentes écoles de PSL ?

La circulation est forte au niveau des masters en quatrième année et va encore s’intensifier avec les nouveaux masters PSL. L’ accord de double diplôme établi avec l’Ecole des Mines ParisTech suscite beaucoup d’intérêt de la part de nos étudiants. Pour le cycle ingénieur, avec l’Ecole des Mines de Paris et Chimie ParisTech, nous avons mis en place deux « semaines PSL » l’une en novembre et l’autre en mars : il s’agit de semaines d’enseignement bloqué pendant lesquelles les élèves de l’ESPCI peuvent aller suivre des cours aux Mines ou à Chimie Paris, et inversement. Les cours de langues étrangères LV2 sont totalement mutualisés pour les étudiants de l’ESPCI et de Chimie ParisTech. Depuis cette année scolaire, les étudiants de Chimie ParisTech ont désormais accès à tous les cours de l’option Biotechnologies de 3e année à l’ESPCI. Nous travaillons activement à développer la possibilité pour nos étudiants en cycle ingénieur d’aller suivre d’autres enseignements dans des établissement de PSL, l’objectif visé étant que chaque étudiant de PSL puisse acquérir par ce biais 15% de ses ECTS. C’est une raison de plus pour nous de travailler à l’allègement de nos emplois du temps pour permettre cette circulation.

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