Et pourtant il coule !

27/02/2014

Dans le cadre d’une collaboration internationale, des chercheurs du laboratoire Gulliver viennent d’expliquer le mécanisme d’écoulement des polymères vitreux, à l’origine de déformations potentiellement délétères, notamment en nanolithographie. Ces résultats sont publiés aujourd’hui dans Science.

De gauche à droite : Thomas Salez, Élie Raphaël & Michael Benzaquen (en collaboration avec Yu Chai, Joshua D. McGraw, Kari Dalnoki-Veress et James A. Forrest) (crédits : ©ESPCI ParisTech).

Même si les polymères vitreux sont des matériaux très largement utilisés dans l’art, l’industrie et les nanotechnologies, leur comportement n’est pas encore totalement compris ni maîtrisé. On constate que ces matériaux amorphes présentent en effet les caractéristiques d’un écoulement lorsqu’ils sont soumis à des forces telles que la gravité (comme les vitraux à l’échelle macroscopique) ou les forces capillaires (pour les nanomatériaux).

Ces déformations peuvent être particulièrement délétères, notamment dans le domaine de la nanolithographie, où la précision et la stabilité dans le temps des motifs lithographiés est cruciale pour retenir l’information digitale enregistrée.

Les chercheurs du laboratoire Gulliver, unité mixte de l’ESPCI ParisTech et du CNRS, viennent d’expliquer pour la première fois le mécanisme à l’origine de cet écoulement. Ils ont montré qu’il avait bien lieu en dessous de la température de vitrification du matériau et que la cause de cet écoulement peut être attribuée à une couche de mobilité accrue en surface de l’échantillon.

Ces travaux sont publiés aujourd’hui en ligne sur le site de la prestigieuse revue Science, et font l’objet d’une analyse d’experts du domaine qui mettent ces résultats en perspective.

Comprendre comment ces matériaux "coulent" permet de mieux appréhender les mécanismes intimes de la transition vitreuse, phénomène central de la science des matériaux, et ses anomalies. Cela ouvre aussi la possibilité de mieux maîtriser ces déformations et donc d’en limiter les effets néfastes.

Ces résultats ont été obtenus grâce à une collaboration internationale avec deux équipes canadiennes, ce qui a permis de mettre en œuvre des approches théorique et expérimentale complémentaires.

Le nom que porte le laboratoire Gulliver est emblématique de sa spécificité dans le paysage de la recherche scientifique en France et dans le monde. Ce laboratoire se distingue en effet par sa capacité à décrire de manière théorique et à modéliser de manière expérimentale des phénomènes que l’on retrouve à plusieurs échelles de grandeur, du nanométrique au macroscopique. C’est en franchissant ces barrières dimensionnelles que les chercheurs identifient des analogies trans-échelles et exploitent les intuitions fécondes qu’elles génèrent. En l’occurrence, l’écoulement des matériaux vitreux se retrouve à la fois dans les vitraux et en nanolithographie.


Relaxation de surface d’un nanofilm de polymère vitreux en forme de marche d’escalier. Au dessus de la température de vitrification, le système passe spontanément d’un comportement vitreux à un comportement liquide au cours du temps t. Une vidéo illustrant le phénomène est aussi disponible (crédits : ©Gulliver).


Contacts chercheurs

Élie Raphaël
www.pct.espci.fr/ elie/

Thomas Salez
www.pct.espci.fr/ tsalez/

Michael Benzaquen
www.pct.espci.fr/ mbenzaquen/

Contact presse

Sylvain Gilat
sylvain.gilat@espci.fr
01 40 79 58 76

Pour aller plus loin

 la référence de l’article :
A direct quantitative measure of surface mobility in a glassy polymer
Y. Chai, T. Salez, J. D. McGraw, M. Benzaquen, K. Dalnoki-Veress, E. Raphaël, and J. A. Forrest
Science, publié en ligne le 27 février 2014
doi : 10.1126/science.1244845
 le lien vers la video
 le lien vers le communiqué de presse commun avec le CNRS
 l’annonce sur le site du CNRS
 le site du laboratoire Gulliver, UMR 7083 CNRS / ESPCI ParisTech
 "Gulliver fait la couv’ de Soft Matter & publie dans Nature
 "Gulliver : A laboratory crosses borders
 le site de Kari Dalnoki-Veress, McMaster University
 "Kari Dalnoki-Veress reçoit la médaille Brockhouse
 le site du laboratoire de James Forrest, University of Waterloo
 les autres publications des chercheurs de l’ESPCI ParisTech dans Science & Nature

Couverture presse (sÉlection)

 Et pourtant il coule !, communiqué de presse commun CNRS / ESPCI ParisTech
 The Surface Mobility of Glasses (perspective de Science Magazine)
 Physicists solve 20-year-old debate surrounding glassy surfaces (phys.org et ScienceCodex)
 Le verre froid s’écoule comme du miel (Le Monde)
 Physiker aus Saarbrücken und Kanada weisen erstmals flüssige Schicht auf Plastik nach (Universität des Saarlandes)
 Glass is a challenge to measure but scientists at Canada’s University of Waterloo have figured out how (FrogHeart.ca)
 Physicists Solve Glassy Surface Mystery (laboratoryequipment.com)
 En surface, certains verres coulent comme du miel (Le Figaro)
 Vers une résolution du débat sur les surfaces vitreuses (Bulletins électroniques Canada)

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